Statut du Juge en Afrique

1995

Preambule.

Nos pays respectifs ont connu pendant longtemps une situation de parti unique.
Le processus de démocratisation et d’intégration de nos Etats a conduit à l’expansion des pouvoirs législatifs et exécutifs au niveau national et même international.
Ce processus de démocratisation achève de démontrer une fois encore qu’une réelle séparation des pouvoirs est indispensable au bon fonctionnement de tout Etat de droit.
Ce principe doit être appliqué à l’intégration africaine, en particulier parce que nos Etats, qui se considèrent comme des Etats de Droit favorables à cette intégration, ont presque tous inséré le principe de la séparation des pouvoirs dans leur Constitution.
Or, une des conditions essentielles d’un Etat de droit est l’indépendance de son pouvoir judiciaire.
En conséquence, il est nécessaire de consolider le pouvoir judiciaire comme garantie de protection des droits des citoyens contre les atteintes de l’Etat et des autres groupes de pression.
Pour atteindre ce but, les Juges des différents pays africains doivent collaborer et démontrer de cette façon leur solidarité dans la poursuite des intérêts communs.
Dans cette option les principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature élaborés par les Nations Unies, et repris par la Charte Africaine, doivent être considérés comme un minimum incompressible.
Partant de cette constatation, il est nécessaire d’arrêter les principes communs d’un Statut du Juge en Afrique, malgré les différences fondées sur des traditions et des Ordres juridiques divers entre les Etats africains.
Les participants du Groupe Africain au sein de l’U.I.M. réunis à Tunis le l0 Septembre 1995 déclarent retenir les principes fondamentaux suivants :

Article 1.

L’indépendance du juge doit être érigée en règle constitutionnelle dans chaque Etat Africain.

Article 2.

Le juge n’est soumis qu’à l’autorité de la loi ; aucune partie ou pouvoir n’a le droit d’intervenir dans les procédures judiciaires.

Article 3.

Un statut particulier doit régir le Magistrat pendant l’exercice de sa fonction.
Il doit prévoir les règles objectives de recrutement des juges, de leurs avancements, de leurs mutations, de leurs retraites et des sanctions qu’ils peuvent encourir s’ils manquent à leur dignité de Magistrat ou s’ils commettent sciemment des fautes graves.

Article 4.

Un organe représentatif et issu du pouvoir judiciaire lui même doit décider de la carrière du juge.

Article 5.

Le juge doit être impartial et ne peut être soumis à l’influence des partis politiques, des groupes de pression ou des autres institutions de l’Etat.

Article 6.

Chaque Etat Africain doit fournir les moyens nécessaires et suffisants au juge pour l’exercice de sa fonction en dotant l’administration judiciaire d’un budget propre garantissant la bonne marche de la justice.

Article 7.

Le juge doit se conduire de manière à préserver la dignité de sa charge. Il doit être intègre, compétent et justifier d’une formation et de qualifications juridiques suffisantes.

Article 8.

Le juge doit être lié par le secret professionnel en ce qui concerne les décisions et les informations qu’il détient dans l’exercice de sa fonction.

Article 9.

Une rémunération appropriée doit être allouée au juge de manière à préserver sa dignité, son impartialité et son indépendance.

Article 10.

Les juges sont inamovibles.

Article 11.

Le juge ne peut faire l’objet personnellement d’une action directe en responsabilité dans l’exercice de sa fonction.

Article 12.

Le juge ne peut être suspendu ou destitué que s’il est inapte à poursuivre ses fonctions pour incapacité ou inconduite.

Article 13.

Un conseil d’honneur issu de l’organe représentatif des juges durant toute sa carrière est seul habilité à se prononcer sur les mesures disciplinaires à prendre à l’encontre des juges qui manquent à leurs dignités.

Article 14.

Les juges doivent être libres de constituer des associations de magistrats pour défendre leurs intérêts, faire prévaloir leurs droits et protéger leur indépendance.

International Association of Judges
Union Internationale des Magistrats
Palazzo di Giustizia
Piazza Cavour – 00193 – Roma, Italy
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